On lui a reproché tous les maux de Kinshasa, y monter à bord a été considéré comme un acte suicidaire délibéré pendant un moment, un défi à la mort. L’enthousiasme qu’on lui a observé dès le début de la seconde moitié des années 2000 est certes retombé mais que penser de la Mercedes T1-207, ce mode de transport « particulier » qui a déchainé toutes les passions et qui disparait un peu plus chaque jour ? Shida a mené son enquête…
Contextualisation de la situation des années 2000
Kinshasa est l’une des rares villes au monde à avoir connu une croissance démographique aussi vertigineuse, difficile de croire qu’il y a à peine un siècle on comptait moins de trente mille habitants dans toutes la région environnante. La période de la fin des années 80 et les évènements socio-politiques qui la caractérisent ont accentué les problèmes auxquels était confrontée une administration de plus en plus impuissante face aux besoins croissants de la population : les guerres et le chômage ont vidé les villes de l’arrière-pays au détriment de Léo qui arrivait déjà à peine à assurer un service public décent (construction et entretien des routes, prise en charge des déchets ménagers et industriels, des eaux usées et des eaux de pluie, de la desserte en eau et en électricité).
La question des transports en commun quant à elle, a toujours constitué un nœud gordien pour l’administration tant au niveau national qu’au niveau provincial : comment imaginer et mettre en place un système de transport qui couvrirait les déplacements de 10 million d’habitants ? N’oublions tout de même pas que Kinshasa est la 17ème ville la plus peuplée du monde !
La Mercédès T1-207 … la solution miracle !
La période des années 2000 est une période de restructuration sur tous les points, plusieurs solutions ont été testées pour résoudre le problème du transport en commun à l’intérieur de la mégapole kinoise : Kombi, Citytrain, Stuc et même fula-fula sont des noms à citer comme pistes de solution qui n’ont pas réussi à couvrir ce besoin toujours grandissant! L’originalité de la Mercedès 207 réside quant à elle, dans le fait qu’il s’agissait d’une initiative privée couvrant un besoin public. En moins de cinq ans et fort de cet enthousiasme nouveau qu’on lui accorde, plusieurs milliers de modèles de cet engin envahissent Kinshasa et s’installent dans la vie des kinois : Zando, ISC, Campus, Kingasani, Rond-point Ngaba, Ndjili Saint-Thérèse, Kimbanseke, Matadi-Mayo en passant par UPN, Victoire, Gare Centrale, Boulevard, Lemba, Matété, Kintambo… il y en a partout et dans toutes les directions. La scène de la bataille sauvage pour monter à bord d’un bus tend à disparaitre, on assiste même à un retour timide aux civilités à bord des minibus. Kinoiseries et 207 deviennent alors des pires mastas : bolingo tiiiiii na suka !
Les années 2010 et l’élargissement des routes
Les années 2010 avec les travaux d’élargissement et de modernisation de la voirie de Kinshasa ont offert aux conducteurs un nouveau cadre de circulation, qui a nécessité un moment d’adaptation, eh oui cher lecteur, vous savez comment ça marche ces choses-là : on appuie sur le champignon et on ne sait plus s’arrêter ; et ce processus de réadaptation a eu raison du « 207 » qui a tout de suite été rebaptisé « esprit de mort ». La récurrence d’accidents conduisant à la mort et les dégâts matériels auront bientôt raison de sa réputation qui se ternit à l’annonce de chaque accident et de la publication des noms des victimes qui l’effacent inéluctablement des Kinoiseries et marquent ainsi le début de son déclin.
Perspective d’avenir
S’effacera-il du paysage urbain de Kinshasa ? Jamais ou tout du moins pas tout de suite, la Mercédès T1-207 n’occupe plus la place de choix qu’on lui accordait : certains kinois jurent à qui veut l’entendre qu’ils n’y sont plus montés à bord depuis plusieurs années, l’ayant relégué au rang de second choix, cependant il en circule encore plusieurs centaines à Kinshasa et dans la région environnante. La question, pour finir, est de savoir si bannir un moyen de transport comme la Mercédès 207 suffirait à complètement l’effacer du paysage urbain kinois, l’avis de Shida est que non : il ne disparait pas, il prend une autre dimension et rejoint la longue liste de modèles de minibus et d’autocars qui ont servi dans le passé dans les transports en commun, il est le témoin d’une histoire, d’un vécu et d’une période des Kinoiseries qui est désormais révolue.